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La péniche, gestion du patrimoine fluvial

La péniche, gestion du patrimoine fluvial
Page 12
màj : 12 - 05 - 2010 20:00


Traction mécanique
sur les voies navigables dans les années 50

Exploitation

Passage d'une écluse

Schéma d'une écluse

ecluse

cliquez On voit deux bateaux, un montant et un avalant. L'avant est très peu pointu, et l'arrière arrondi. Cela se veut une évocation de la forme dite cul-de-poule au nom explicite. A l'attention des férus de trains je rapprocherais cela des locomotives à vapeur 141 TA, dites "cul-de-bateau". Mais les cheminots n'ont jamais précisé de quels bateaux il s'agissait, pas plus que les mariniers concernés n'ont demandé aux aviculteurs à quelles poules l'arrière de leur bateau pouvait ressembler.(1)

Le bateau en attente est arrivé avant celui qui entre dans l'écluse, mais il patiente, peut-être depuis un certain temps, pour éviter une fausse bassinée qui consommerait de l'eau.

Les deux tracteurs sont arrêtés. Le A a amenè le montant et le B l'avalant. Leurs conducteurs sont dans l'un des trois établissements représentés autour de l'écluse (peu probable qu'ils soient chez l'éclusier) ou peut-être en train de donner un coup de main à la manoeuvre des portes et des vannes (en 50 très peu d'écluses étaient motorisées. Après on l'a fait pour les touristes).

Le dessin montre la disposition des pattes d'oie. Celle de l'amont est coupée pour gagner de la place dans le dessin. Les pattes-d'oie sont si possible du coté opposé à la traction pour simplifier les manoeuvres de passage du tirage du bateau sortant de l'écluse.

Une patte d'oie est une passerelle en béton de 1 à 1,50 m de large et de la longueur d'au moins deux bateaux. Elle est à une certaine distance de la berge de façon à disposer de la profondeur nécessaire à un bateau chargé car en l'absence de quai ou de palplanches la partie immergée de la berge est inclinée et non verticale. On peut très bien tomber à l'eau entre ce chemin et la berge quand on est inattentif, qu'on ne marche pas droit ou la nuit. L'espace entre le chemin et la berge comporte des poutres de 20 à 30 cm de largeur reliant les deux. Ce n'est pas prévu pour y marcher, mais on le fait quand même, et ça augmente les risques dans les cas cités ci-avant.

Il y a une différence de niveau entre le terre-plein de l'écluse et la patte-d'oie d'aval, c'est la hauteur de chute de l'écluse.

Dans la situation présentée sur le croquis, il y a troquage à l'écluse.

Le tracteur B a lancé son bateau qui continue sur son erre et le marinier contrôle la vitesse à l'aide d'une amarre frappée sur une bitte de l'écluse et passée d'un ou deux tours morts qu'il laisse filer sur les boulards(2) avant du bateau, il suffit de retenir l'amarre plus fort, voire d'ajouter un tour, pour freiner, ça augmente le frottement sur le boulard, ou de donner du mou pour laisser aller, pour l'immobiliser avec des huits avec le boulard voisin et deux demi-clés quand ce sera le moment. Ensuite il mettra vite une amarre en place dans l'autre sens pour empêcher le bateau de culer. Pendant la vidange de l'écluse il devra relâcher progressivement les deux amarres pour accompagner la descente. Il vaut mieux être deux, ce qui explique qu'il y avait peu de mariniers célibataires. Certains avaient un matelot.

Une fois la porte aval ouverte le tracteur A sortira l'avalant de l'écluse en faisant attention à une trop grande ou trop brutale tension du tirage.

Le tirage est prélablement disposé entre le boulard avant du bateau et le tracteur ce qui a pour effet de le faire tremper dans l'eau, puisqu'on ne peut pas le disposer à terre à cause des parties hautes des vantaux de porte d'écluse. A ce moment le tracteur est placé à peu près au niveau de l'avant du bateau. Le conducteur accroche le tirage à sa machine, puis il part vivement pour rattraper le mou. C'est lorsque qu'il sort de l'eau qu'il est grand temps de ralentir pour éviter l'à-coup. Si le tirage est en chanvre, il a absorbé de l'eau et on assiste à l'essorage avec des projections dans toutes les directions. J'essayais de ne pas manquer cet instant spectaculaire qui était un témoin du coup de main du conducteur.

Attiré que j'étais par le spectacle, je me rapprochais le plus possible, car j'ai toujours considéré que le meilleur point de vue était le bout du bajoyer à la sortie, et c'est l'un des cas où je prenais des risques, en me trouvant dans la zone où le coup de fouet d'un câble rompu était dangereux. J'ai ainsi subi quelques rappels à l'ordre. Pas trop, non par discipline, mais par peur que ne me jugeant pas prudent, on m'interdit d'aller à ma guise.

Outre l'inertie des 280 ou 300 tonnes, dès qu'on prend un peu de vitesse il faut vaincre l'effet piston. Il doit rentrer de l'eau dans le sas pour compenser la sortie du bateau, et le passage sur les cotés (20 cm au total, ou moins) et le dessous n'est pas bien grand si le bateau est chargé. Les écluses sont construites pour que le seuil des portes ou busc, soit le plus haut possible afin de réduire au minimum leur hauteur. Evidemment, je parle des bateaux au gabarit maximum prévu.
La lenteur est de règle. Dès que l'arrière est sorti, on peut accélérer.

La sortie d'une écluse était un moment délicat pour le conducteur du tracteur afin d'éviter la rupture du câble, s'il est mauvais état ou en chanvre sans âme acier. Et sur les vieux tractions en bois c'était souvent le cas.
C'était aussi un moment délicat pour le marinier qui tentait avec le gouvernail d'écarter le bateau du bajoyer, la force de traction étant bien plus forte qu'à l'entrée, sa composante latérale aussi. Le frottement appuyé du bois sur la maçonnerie est toujours dommageable. La pierre s'en accommode. Le faible espace entre les deux ne permet généralement pas d'y glisser un pare-battage.

cliquez Fresnes-sur-Escaut. (Doc G. Kiffer) Au passage admirer la position des barreurs. Sur l'agrandissement, deux noeuds sont bien visibles sur le tirage. Souvenir de deux prises de bec entre les conducteurs des machines et le propriètaire. C'est l'origine de l'expression : "Y a du tirage", quoi que ce ne soit pas sûr, car ça se produisait après rupture et pas avant.
Ça compliquait les opérations aux écluses en s'accrochant là où ça aurait du glisser, d'où une cause de rupture supplémentaire.
J'ai entendu des conducteurs poser des réserves en acceptant un tirage dans cet état.
: - "Si ça pète, viens pas dire que c'est de ma faute"
Le marinier
: - "Justement, fais gaffe".

Puis le tracteur B fera entrer le montant dans l'écluse. Il lui faut décoller le bateau de la patte d'oie où il est amarré. Le bateau est guidé pour se mettre dans l'axe de l'écluse par le biseau garni d'une lisse en bois. Pour mettre l'arrière en ligne, c'est le travail du marinier.

Patte d'oie

Patte d'oie sur le canal de la Marne au Rhin à Foug (Ecluse 15). Il n'y a pas de place sur cette berge pour la voie de la CGTVN qui passait sur l'autre.

Le biseau au premier plan guide le bateau pour entrer dans le sas. Une lisse ne bois facilite l'opération.
On distingue l'eau entre la passerelle et la berge. Cette remarque semble anodine, mais j'en connais qui y ont pris un bain involontaire.

Patte d'oie

Autre patte-d'oie à Gondreville, écluse 28 du même canal, même versant, mais dans sa partie délaissée par la canalisation de la Moselle à grand gabarit.
Il est rare de d'observer un canal à sec. Il arrive qu'on les vide temporairement pour travaux, périodes de chômage plannifiées et il faut penser à la photo. Ici ça fait 30 ans qu'il est abandonné et aucun chantier n'a eu besoin de décharge dans le coin.
L'herbe poussant dans le béton gène la visibilité, mais la structure est mieux compréhensible sans eau. Comme dans le cas précédent, la voie CGTVN était sur l'autre berge. (Photo Guillaume Kiffer)

Dans la page 3 consacrée à la description des différents modèles de tracteurs électriques sur rail, j'ai mentionné que le J 30 ne pouvait tirer qu'un bateau à la fois et que les autres modéles plus gros pouvaient en tracter 2 voire 4. On peut se demander pourquoi utiliser les petis engins et pas améliorer le rendement en mettant des gros.

Sur les canaux à petit gabarit (Frecynet) si une rame de 2 bateaux ou plus s'était présentée à une écluse, comme on ne peut en écluser qu'un à la fois, l'ensemble de l'équipage doit attendre que tous soient éclusés avant de repartir, d'où en, fait perte de temps et donc de capacité de la voie d'eau.

La solution est le jumelage des écluses ou leur agrandissement pour que plusieurs bateaux puissent y entrer en même temps.

Ça s'est fait, notamment dans le nord, mais pas partout et cela a pris du temps et quelquefois quand l'ensemble d'un canal a pu en bénéficier, la traction depuis la berge avait disparu et la diminution du trafic fluvial l'avait quelquefois rendu luxueux. Il y a eu des jumelages ponctuels à certains points délicats, mais la traction n'en était pas la cause.

Entrée dans une écluse

Autre patte d'oie à Pargny-Filain sur le canal de l'Oise à l'Aisne.(Doc G. Matignon)cliquez
Le bateau entre dans l'écluse sur son erre alors que le tracteur ne tire plus. Le marinier est occupé à replier l'amintot avant de contrôler l'arrêt et d'amarrer.
Le tracteur est un J 30. En second plan, on voit un plan d'eau, le bassin de Monampteuil, partie du système d'alimention en eau du bief de partage passant sous la voûte de Braye-en-Laonnois.
La photo différe du schéma car l'avalant qu'on aperçoit derrière la cabine de commande de l'écluse étant probablement un automoteur, il n'y a qu'un seul tracteur. (Et pas de Café de la Marine, mais le bâtiment visible est un hôtel-restaurant, "Le Moulinet", rendez-vous de chasse et de pêche, tel : 12 à Chavignon).

cliquez Amarrage d'un traction à la patte d'oie. Un automoteur montant entre dans l'écluse qui n'est pas prête pour l'avalant tractionné du premier plan. Il doit attendre à la patte d'oie, mais comme le tracteur le tire vers la berge de gauche, il faut qu'il ait assez de vitesse pour aller tout seul à droite. La compensation de cet inconvénient est que pour redémarrer, le tracteur le tirera vers le milieu du canal.

La patte d'oie, au contraire des autres exemples de cette page, est "accolée" à la berge. Elle n'en mérite pas le nom par son aspect, mais la fonction est la même. Il y a un mur vertical, les bateaux peuvent se coller à la berge.

Halage discontinu

ici, une écluse jumelée à Cambrai (Cantimpré) sur l'Escaut canalisé. cliquez (Doc G. Kiffer) On aperçoit au premier plan une tranchée aux parois maçonnées. C'est la courte voie de contre-halage justifiée par le jumelage des écluses. Elle est visible ici à la page "Electriques sur pneu". (penser à fermer la nouvelle fenêtre pour revenir)

Sur l'autre berge, la voie continue passe sous le pont. Mais on voit un tracteur au niveau du terre-plein de l'écluse. Il est stationné au pied du talus herbeux sur une voie de garage, au-delà de la tranchée de la rampe permettant de passer sous le pont. Il est prévu de la place pour 12 tracteurs à cette écluse. Il y en a des deux cotés, mais probalement pas plus de 2 coté contre-halage. C'est sur la rive éloignée du photographe que le gros de la troupe est basé.

Le tracteur semble être un Jeumont à bielles nouveau modèle, on devine le carter de protection des bielles externes. (voir page 17)
Remarquez aussi les carters de protection des moteurs, et engrenages, des portes d'écluse et des vantelles, indice d'une navigation intense.

Chauny

cliquez Une autre écluse jumelée, à Chauny, (Document Harry De Groot, Photo Conny Faasse) sur le canal de St Quentin, même itinéraire et même disposition. L'angle de prise du vue permet de voir d'autres aspects, notamment le rôle du pylone métallique sur le terre-plein central.

Marcoing guide de tirage

cliquez Marcoing dans le Nord. Encore une écluse jumelée. (Doc G. Kiffer) A remarquer, la barre de fer rond, oblique, à gauche de l'image. Elle est scellée au sol en bas et repose sur deux supports qui amène son sommet légèrement au-dessus de la hauteur du garde-corps du vantail amont. L'extrémité haute est soigneusement recourbée et apparemment soudée sur le support. Aucun cordage ne peut s'y prendre accidentellement.
Cette barre est destinée à faire monter tout seul le tirage lorsqu'un tracteur entre un avalant dans le sas. Le tracteur descendant la pente, le tirage se trouve au ras du sol, s'il n'y frotte pas. A un moment, il atteindra le vantail ouvert, mais du mauvais coté. Faute de cette barre, il faudrait que le tracteur cesse de tirer et que quelqu'un passe à la main, le tirage au-dessus du garde-corps avant que la traction ne reprenne pour finir l'entrée. Avec ce dispositif simple la traction peut être continue et le câble passe tout seul du bon coté. Il devait quand même être nécessaire de réduire l'effort de traction au bon moment. Le coup de patte du conducteur !

(Doc G. Kiffer)

Un autre exemple de ces barres à Châlons-sur-Marne où il y en a deux, l'une en long et l'autre en large. Des marques de câble sur la pierre de la tête de terre-plein sont bien visibles et indiquent que les avalants se faisaient tracter jusqu'au dernier moment pour entrer dans le sas. Il n'y a aucune patte d'oie ni guide pour entrer. Le capot du moteur d'ouverture de la porte est également protégé. A l'époque c'était la seule écluse équipée du canal latéral.
(Remarque : Sur le pont on ne voit aucun badaud. Forcément, il n'y a pas de bateau. Badaud et bateau, ça rime.)

cliquez C'était utile chaque fois qu'un bateau tractionné était en attente à l'estacade centrale, il n'a pas de vitesse pour entrer sur sa lancée, il doit être remorqué jusque dans le sas. Avec cette barre, on gagne du temps et la nécessité d'une personne disponible. On peut supposer que c'est l'importance de la navigation à cet endroit qui justifie cette disposition, simple et peu couteuse, assez peu courante mais voici un autre exemple sur une écluse simple , bien regarder. Le montant qui sort n'occasionne pas l'utilisation de la barre, mais un avalant le fera. Les justificatifs communs aux deux situations sont la présence du pont qui oblige la voie à descendre le long du sas et la motorisation des portes dont les installations en superstructure constituent une gêne.

Passage d'un obstacle en rive traction

cliquez La photo ci-contre (CPA Collection G. Kiffer) montre une situation en rapport avec ce qui précède. (Hors écluse, mais elle est à 100 m. Le rétrécissement est dû à un pont où est le photographe) Des bateaux sont amarrés le long de la berge coté traction (ici c'est dans le large) comme évoqué plus haut à propos de la sortie d'écluse. Le tracteur lance son bateau pour qu'il ait le plus de vitesse possible avant de ne plus pouvoir tirer. On voit, au sillage, que ça tire plein pot. Il devra aller l'attendre à l'autre bout du large pour récupérer le tirage que le marinier, aidé par ses collègues des bateaux amarrés, lui fera passer. En agrandissant, on distingue plusieurs bateaux au loin. Bien que tous ne se rapprochent pas et ne soient pas des tractions, il y aura certainement bientôt un troquage. Le conducteur du tracteur de la photo devra recommencer la manoeuvre dans l'autre sens, et ensuite ? Peut-être que demain, il demandera au chef de changer de place avec un collègue.

Large court

cliquez La situation pouvait être, heureusement, plus simple, comme ici à Sermaize-les-Bains sur le canal de la Marne au Rhin. Un port est disposé le long de l'usine, (une sucrerie) il n'est pas suffisant pour permettre aux bateaux de tourner. Un élargissement supplémentaire est prélevé en face, coté halage, et oblige la voie à ce détour perturbant la traction pour le trafic de transit, mais il est bien possible que les parties obliques soient appréciées pour aider au retournement.
En bas de la photo (doc G. Kiffer) on constate que la voie de traction ne passe pas sous le pont pour accèder à l'écluse et traverse à niveau la route, secondaire, c'est moins grave. Le tracteur, tout en bas, est un Applevage type II.
La ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg longe l'usine au fond après avoir traversé le canal. Les deux tracés sont très proches tout le long et les travaux (1850-52) ont été faits en même temps.

Cas particulier de l'écluse de Réchicourt-le-Château

L'écluse de Réchicourt-le-Château sur le canal de la Marne au Rhin est un cas particulier en raison de la hauteur de chute de 15,70 m. La largeur du sas est d'environ 6 m avec un faible effet piston permettant aux bateaux d'entrer partiellement sur leur erre. Les tracteurs ne pouvaient pas franchir la marche par une voie proche du canal.

Sur la photo ci-contre (doc GK) qui représente le mur à l'aval de l'écluse, La porte aval est le rectangle sombre sous la passerelle piéton. On voit deux tracteurs en bas et un en haut à coté de la cabine de commande des portes.
Le tracteur du haut tractionne un avalant qu'on ne voit pas dans le sas. Pour le faire entrer il a fallut que le tirage soit amarré à un boulard d'arrière et le tirage raccourci de façon que le bateau soit complètement entré avant que la tracteur soit arrivé au bout de sa voie qui s'arrête, et pour cause, au droit de la porte aval. La voie était proche du bord pour que l'angle de tirage soit convenable. Pour sortir, une fois la porte guillotine soulevée, le marinier devait passer le tirage au conducteur du tracteur du bas. (On n'a pas de témoignage sur la façon de faire, probablement une perche)
Pour les bateaux montants, le tirage était aussi amarré à un boulard arrière. il existait une poulie de renvoi dans laquelle le marinier devait passer le tirage une fois l'avant du bateau entré. Le tracteur tirait en arrière mais une fois le boulard arrière arrivé à la hauteur de la poulie de renvoi le tirage devait être débillé et la fin de la manoeuvre s'effectuait sur l'erre. Le tracteur devait donner assez de vitesse pour que le bateau arrive au fond mais pas trop pour qu'il puise être arrêté facilement, or le conducteur ne voyait rien de ce qui se passait dans l'écluse.
Une telle manoeuvre exige de l'expérience de la part de tous les intervenants.
On remarque que le tracteur du haut montre son avant. La porte est donc du coté canal. La raison est obscure compte tenu de ce qu'on peu savoir aujourd'hui, surtout en l'absence de photo du haut. On peut avancer l'hypothèse que c'était pour mieux voir en supposant que des difficultés étaient survenues avec la disposition classique. Ce tracteur aurait donc été seul dans ce sens et ne servait pas sur le reste du bief. Ça faisait un tracteur supplémentaire. L'écluse de Réchicourt-le-Château a été mise en service en 1964 et la traction n'y a été utilisée que jusqu'en 1970.

Traction de brise-glace

Lorsque le canal est gélé et le trafic paralysé, le cassage de la glace se faisait grâce à une petite barge fortement lestée à l'arrière pour que l'avant, incliné puisse monter sur la glace. En avançant encore le poids de l'arrière casse la couche de glace. Il est nécessaire de disposer d'assez de puissance pour faire arriver le brise-glace sur le front gélé avec une vitesse suffisante. La traction mécanique à permit ça. Au besoin, selon le modèle de tracteur du secteur la double traction était nécessaire.

cliquez Ici un brise-glace pendant l'hiver 1933/1934(Doc Guillaume. Kiffer) sur le canal de St Quentin à Tugny-et-Pont, Pont-Tugny sur la CP, (Aisne). Le tracteur est un Jeumont à bielles ancien modèle dont la puissance devait être suffisante pour qu'il travaille seul efficacement. Tant pour pouvoir prendre de l'élan que comme ici parce qu'il est arrivé à une écluse et que le bief n'est pas suffisamment traité (les glaçons sont encore trop grands) l'équipage devait faire des aller/retours tant que nécessaire. Il arrivait en cas de glace plus épaisse que le brise-glace monte sur la glace sans la casser. Le tracteur pouvait le tirer en arrière pour le remettre à l'eau.
A chaque retournement, il fallait nécessairement que le tracteur change de crochet actif et les bateliers de boulard (droite ou gauche). De plus sur cete photo l'homme de l'avant est occupé avec une gaffe à éviter au bateau de s'accrocher à la berge. Les glaçons perturbent fortement le comportement de la barge.
J'ai assisté sur le canal de la Marne au Rhin, du coté de Sermaize-les-Bains en 1954 ou 1955 (les deux hivers ont causé des glaces) à cette manoeuvre. Lorsque le tracteur a fait virer le bateau, il a du tirer un peu trop vite en le faisant pivoter brusquement. L'homme de l'arrière avait laché la barre, lui tournant le dos pour faire autre chose. Un glaçon de taille importante s'est pris dans le safran et la barre a fait une giration rapide. Le gars de l'avant a vu et a crié vers son collègue qui n'a eu que le temps de comprendre et de se baisser. Je me souviens du soupir de soulagement des hommes à coté de moi sur le terre-plein de l'écluse.
La dite barre etait constituée d'un tube en acier de diamètre convenable pour être bien tenu en main. On imagine cela tapant fortement dans le dos ou les reins. En plus des blessures du choc, ce n'était pas le jour de prendre un bain, et les brassières de sauvetage n'étaient pas utilisées.

Ici une photo extraite (Doc G. Kiffer) du livre "Canaux et batellerie en Alsace", par René Descombes. La légende est la suivante. "Les brises-glace tractés du service de la navigation, agissant sur la glace par leur propre poids, permettent de casser celle-ci sur une épaisseur de l'ordre de 10 à 15 cm. Au delà, le brise-glace monte sur la couche de glace qu'il ne peut plus casser. Cette technique nécessite l'emploi d'un personnel expérimenté, afin d'éviter les fausses-manoeuvres et un bain forcé désagréable, voire dangereux pour l'intéréssé. Brise-glace sur le Canal de Colmar. Coll. de l'auteur." Et l'auteur, ingénieur du service de la navigation, sait de quoi il parle.
Remarquez sur la photo que le tracteur électrique sur rail au fond ne remorque pas le brise-glace pour le moment, mais que le tirage vient de la berge opposée où se trouve le photographe. L'opération n'est pas simple.

Cette méthode était très dangereuse pour les deux hommes à bord et le matériel est aujourd'hui remplacé par des engins poussés ce qui supprime le gouvernail et les hommes à bord pour casser la glace.. (Article de Guillaume, le fluviopathe d'hier et d'aujourd'hui). Il est surprenant de constater que pendant toute la période de la traction, la façon de procéder n'a pas varié.
Ci-dessus, deux brises-glaces récents, photographié, à gauche, en 2008 à Void et à droite (Guillaume) à Crévic en 2003 ont toujours la même forme. L'un est renforcé de baux permettant d'y poser un plancher pour les autres usages, pas l'autre.


notes

1 - Galeries de derrières

141TA
      Locomotive 141 TA - Cul-de-Bateau              -                          Bateaux Cul-de-Poule

2 - Boulard : voir glossaire. Les boulards placés à l'avant et à l'arrière des bateaux sont disposés par paires pour permettre un amarrage du câble acier en huit sur plusieurs couches avant les demi-clés. J'ai souvent admiré le coup de main, une boucle à l'endroit sur le premier boulard, une boucle à l'envers sur l'autre, etc, et un noeud de cabestan (deux demi-clés, une à l'endroit, l'autre à l'envers) pour finir. Ça va vite, faut bien regarder. Et ensuite le marinier part en tricotant des gambettes sur le plat-bord pour amarrer l'arrière. Jersey est bien une île avec des marins ?