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La péniche, gestion du patrimoine fluvial

La péniche, gestion du patrimoine fluvial
Page 2
màj : 09 - 09 - 2012 17:00


Traction mécanique
sur les voies navigables dans les années 50

Le service consistait à faire circuler des tracteurs sur les chemins de halage, autrefois dévolus aux hommes ou aux chevaux, qui remorquaient les bateaux (péniches) à l'aide d'un tirage (câble de chanvre ou d'acier ou mixte) d'une longueur de 50m environ. Le terme employé était plutôt machine, mais jamais locotracteur.

Le passage de la traction animale à la traction mécanique ne s'est pas fait facilement. Dès les premières expériences avant 1900 des oppositions dures venant des professionnels vivant de l'activité animale et des mariniers réticents pour diverses raisons se sont manifestées. Mon sujet n'est pas de citer leurs arguments (pas forcément tous dénués de fondement) et je me contenterais de donner ceux en faveur du halage mécanique tels qu'ils l'étaient en 1926.

"La régularité du service; qu'il pleuve, qu'il neige, qu'il gèle, les tracteurs circulent, alors que les chevaux hésitent ou s'arrêtent."
"La souplesse du service; qu'un amas sa crée, du fait d'à-coup dans le trafic, du fait du vent, du fait d'accident, le tracteur puissant accepte la surcharge; fait les approches aux écluses de files entières de bateaux."
"La modicité des prix; et nous ne voulons indiquer comme explication que la possibilité d'une organisation indispensable."
"Le gain de temps pour le marinier; qui n'est pas simplement dû à la vitesse différente du tracteur et du cheval, mais qui résulte de la suppression des interruptions qui se produisent trop souvent, là où le halage s'effectue par des relais de chevaux."

cliquez Autant dire que les récalcitrants cités ci-dessus ne se sont pas laissés convaincre facilement, d'autant plus que l'abandon de leur chevaux, partie de la famille comme votre chien, n'était pas chose facile. C'est pourquoi la mise en place du monopole de la CGTVN ne s'est pas faite du jour au lendemain.
La photo précédente sur le canal de St Quentin, premiere concession attribuée à la CGTVN en 1926 montre un exemple de cohabitation.

La même situation où la courbe de chevaux est mieux visible à défaut de tracteurs. (Paru dans l'ouvrage "Le rail, la route et l'eau" - J. Antonini - 1936. Doc G. Kiffer. Lieu non précisé.) Les traverses semblent métalliques à cet endroit. La marche des chevaux en était gênée et leur présence gênait les tracteurs. Le croisement des deux n'allait pas de soi. Et encore, à ces endroits la largeur est supérieure à la moyenne. Il y a du avoir des accidents du genre chute de chevaux dans le canal. On imagine les temps perdus pour un éventuel dételage des chevaux pour qu'ils ne croisent pas à deux de front. Dans beaucoup de cas, quand même, la voie était établie sur l'autre berge, et la notion de contre-halage s'est inversée avec le temps. Dans le nord, les écluses jumelées ayant nécessité une voie de contre-halage sur une certaine distance, la rencontre était inévitable. C'est le cas, au moins sur la photo du haut.

L'activité traction a subsisté plus tard, et peut-être encore aujourd'hui, dans les zones où les bateaux ne pouvaient pas utiliser leur moteur thermique, voûtes(1) longues (plus ou moins selon qu'elles sont pourvues, ou non, de puits intermédiaires) à cause de l'aération insuffisante. Par comparaison avec les chemins de fer il faut tenir compte du fait que la vitesse est faible, limité réglementairement à 6 km/h et en fait plutôt à 4 km/h, et que, même si les moteurs sont moins polluants(2) que ceux des locomotives diesel les personnes embarquées sont exposées longtemps aux gaz d'échappement.

Le service de traction était fait à la demande sans horaires pré-établis. Avec quelques précautions, on pourrait comparer à une compagnie de taxi, voire à un transporteur routier. Tantôt, c'est le transporteur qui attend le client, tantôt c'est l'inverse.

La CGTVN, a cessé son activité avec la forte régression de la batellerie, les bateaux subsistants étant les plus récents, donc équipés de moyens de propulsion autonome. La traction de la berge était adaptée au gabarit Freycinet, or ce qui a subsisté et subsiste encore concerne les rivières à grand gabarit où les bateaux sans moteurs sont remorqués (par un remorqueur) ou poussés. La CGTVN s'est reconvertie un moment dans le poussage en devenant la CGPVN sur les rivières. Je me souviens avoir entendu des conversations concernant des essais de poussage(3) de convois articulés sur les canaux Freycinet et qui apparemment n'ont débouché sur rien.

Faute d'avoir connu ce qui se faisait ailleurs, je ne peux parler que de ce que j'ai vu, sur les sections que j'ai fréquenté, sur le canal latéral à la Marne, le canal de l'Aisne à la Marne, le canal de la Marne au Rhin, le canal de la Marne à la Saône dans l'Est et L'Escaut et la Scarpe dans le Nord.

Les tractions(4) étaient le plus souvent les bateaux anciens en bois qui avaient précédemment utilisé les chevaux. Certains avaient encore l'écurie à bord, transformée évidemment. Les bateaux métalliques plus récents étaient presque tous équipés de moteurs. En langage courant, on disait un moteur ou un traction pour désigner les bateaux eux-mêmes. On disait aussi un avalant (celui qui descend le canal) ou un montant (celui qui remonte le canal). Même plus d'utilisation du mot bateau qui finalement en désignant tout ce qui flotte sur le canal ne veut plus rien dire pour les gens qui travaillent là.

Les moteurs allaient un peu plus vite que les tractions. On pouvait entendre : "J'ai vu un montant à St Germain(-la-Ville), c'était un moteur. Il a trématé un traction".

Quand c'était possible, techniquement et financièrement les mariniers s'équipaient et la CGTVN perdait un client.

Illustration avec le cas du Frem

qui navigue toujours et on espère pour encore longtemps, sous le nom de Kairos. Voir page 10 la particularité de l'amarrage du tirage et ici. Merci à Jean-Claude Verrier et Gilles Bouchard.

Frem/Jim/Keyo/Kairos

Ce bateau construit à Strasbourg (SCAR) en 1949 sous la devise de Frem, dans les dernières décennies de la batellerie tractionnée, sans prévision d'une modification ultérieure alors qu'on construisait des automoteurs depuis un bon moment, à été transformé en 1969 par adjonction d'un premier moteur. La façon la moins coûteuse et la plus courante d'en ajouter un était la pose d'une moto-godille. Là, l'arrière a été coupé en biais et équipé d'un tunnel d'hélice et d'un gouvernail à deux safrans pour plus d'efficacité. Cela induisait la refonte complète de la partie logement, un changement de vie pour les mariniers. Par la suite le moteur a été changé deux fois pour un plus puissant.
Nous noterons ici, le repaire des défenseurs de la traction, enfin son souvenir, qu'il a résisté jusqu'aux derniers moments. En 1969, la cessation de la traction était en cours par secteurs, il était temps de penser à la suite.

Tout client qui se respecte doit s'acquitter des paiements dus.

cliquez Voici une quittance du service datant de 1945.
Les sommes étaient payées d'avance avant le départ d'un port. La mention tout en bas du document en fait foi(5).
Le document (Collection Guillaume Kiffer) est visible et lisible par un clic sur l'image. En plus il y en a trois autres et quelques commentaires.

On suppose, comment aurait-il pu en être autrement, que les mariniers invités à régler les sommes demandées étaient parfaitement au courant du mode de calcul. Au courant ou pas, certains appelaient la compagnie "Cégétévaurienne".

Si je crois pouvoir me permettre d'expliquer, à l'aide de mes souvenirs, certains points d'ordre technique du fonctionnement de la CGTVN, il n'en est rien en ce qui concerne la comptabilité où bien sûr, je n'ai jamais mis le bout de mon nez, ne serait-ce que parce que ça ne m'intéressait pas. Cinquante ou soixante ans plus tard, ça prend une tout autre dimension. Cette tarification était un vestige de la période d'avant la CGTVN où les divers exploitants avaient des façons différentes de calculer en fonction des coûts de revient locaux. A partir du 1er septembre 1946, tout fut unifié et le tarif simplifié. Seuls les kilomètres bateau étaient facturés quels que soit le chargement et la jauge du bateau, avec un prix plus représentatif du coût de revient moyen sur l'ensemble du réseau de la compagnie.

Voici une autre quittance datée du 28 mars 1940. (Doc G. Kiffer)

Quittance-SSH

Elle émane du Service Spécial du Halage et concerne le canal de la Sambre à l'Oise. Un certain nombre de points méritent réflexion.
- L'émetteur n'est pas la CGTVN. Page 1 il est dit qu'en 1934 un service de remorquage (bateau) était en vigueur à cet endroit, mais rien ne désigne la CGTVN, et en 1958, la CGTVN y pratiquait la traction Diesel sur pneu. Je ne sais rien de la manière dont ça se passait en 1940. Si c'était encore le remorquage, quel que soit le prestataire, un service des Ponts-et-Chaussées faisait la facturation. Le terme de Service Spécial était en vogue pour toutes sortes d'activités (navigation, bases aériennes, autoroutes...) dans cette administration. Il s'opposait à celui de service ordinaire(6).
- La section de Jeumont (frontière belge) à Landrecies, n'est pas le canal de jonction de la Sambre à l'Oise mais la Sambre canalisée. Peu importe, il est normal que l'organisation de l'un s'applique à l'autre, c'est la suite de l'itinéraire.
- La redevance est calculée par tonne transportée et par kilomètre. Justement ce qui posait un problème de clarté concernant quittances CGTVN.
La longueur de la section est de 54 km.
0,040 X 267 X 54 = 576,72 F.
Manquent 10,68 F qu'on pourrait attribuer au bateau. Soit un prix de 0,19777 F par kilomètre pour le bateau. Arrondissons à 0,20 F car on ne sait pas si le point de destination à Landrecies était exactement à la limite administrative du canal. Dans tous les cas, ça ne fait pas cher pour un bateau vide. A 0,040 F la tonne ça représenterait un bateau de 5 T. Peut-être y avait-il un autre mode de calcul.


notes

1 - Voûte : Souterrain. (voir glossaire).
2 - Polluants (moins) : Surtout en raison de leur puissance. Par exemple, les bateaux de la compagnie HPLM, Le Havre-Paris-Lyon-Marseille de la série dite "marocains", à cause de leurs noms de villes marocaines, avaient un moteur de 45 CV. La puissance des locomotives se compte en centaines ou milliers de CV.
3 - Poussage : Compagnie Générale de Poussage sur les Voies Navigables. Quant au poussage articulé, il était question de liaison faite de barres croisées permettant à un ensemble de deux bateaux, disposés l'un derrière l'autre, de suivre les courbes du canal.
4 - Traction : raccourci pour désigner un bateau tractionné (on ne disait pas tracté), c'est à dire ayant recours à la CGTVN ou a ses semblables.
5 - Facture/quittance : La différence entre une facture et une quittance est qu'une facture est émise dès l'achèvement de son objet avant présentation au payeur, alors qu'une quittance est un reçu de la somme payée, que les prestations soient effectuées ou pas. Les deux explicitent le détail des prestations. En l'occurence, ce document, en possession du marinier, est la reconnaissance par la CGTVN d'avoir à effectuer l'acheminement du bateau entre les points annoncés.
6 - Ordinaire : Le service ordinaire était originellement celui chargé des routes nationales. Les chefs signaient "l'Ingénieur Ordinaire". Il y avait des services chargés des routes départementales, les "services vicinaux" constitués aussi de fonctionnaires d'Etat. Vers la fin du XIXème siècle quelqu'un s'est dit qu'il était dispendieux d'avoir deux services faisant le même métier dont la compétence s'exerçait sur le même territoire. On a donc décidé de fusionner les deux. Mais les ingénieurs ordinaires pensaient que leur niveau était supérieur à celui de leur collègues du service vicinal et réciproquement, si bien qu'en 1944, la fusion n'avait pas encore été faite dans tous les départements. (Peut-être y avait-il d'autres raisons.) En 1967, tout était en place et l'Equipement, issu de la fusion du ministère des Travaux Publics (les P&C), et de celui de la Construction (MRU), pouvait oublier tout ça. Puis en 1982, les premières lois de décentralisation ont re-séparé les deux activités routières. 20 ans plus tard, beaucoup de départements ayant utilisé une disposition transitoire permettant de garder tous ces gens faisant la même chose, dans les mêmes locaux, en bonne entente avec les responsables des conseils généraux, il a fallut de nouvelles lois pour passer la vitesse supérieure et terminer le travail. En 2009, le taureau recevait l'estocade par la suppression des DDE.
Si, étant étranger à tout ça, vous ne comprenez rien, sachez que beaucoup de ceux qui ont suivi de l'intérieur n'ont pas tout compris non plus.